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Journal désenchanté
15 mai 2007

Petites histoires d'amour.

Il y a deux semaines, c’était (déjà) le dernier cours d’italien, et la prof avait prévu des lectures de vacances, soit un petit livre photocopié de nouvelles, le genre pour apprendre les langues en lisant. « Piccole storie d’amore » (Petites histoires d’amour), que ça s’appelait. J’ai jeté un œil sur le paquet de feuilles, qui débutait ainsi : “ Lei non parla più con me, non mi chiama, non mi vuole vedere. E io non so che fare, perchè non posso vivere senza di lei.” (Elle ne parle plus avec moi, elle ne m’appelle plus, elle ne veut plus me voir. Et moi je ne sais pas quoi faire, parce que je ne peux pas vivre sans elle.)
Je lirai la suite plus tard.

Autres nouvelles sur lesquelles je suis (re)tombé par hasard le week-end suivant, en discutant avec mon père, ce sont celles de Maupassant. Pas très longues, une dizaine de pages chaque. C’est fort, les nouvelles, parce qu’il n’y a pas le temps de développer les situations ou la psychologie, mais si il y a la bonne idée, ça peut frapper juste avec pas grand-chose.

Une que j’avais déjà lue, La Rempailleuse. Ca commence dans un dîner où il est question de savoir si on peut aimer vraiment plusieurs fois. Les hommes autour de la table pensent que oui, tandis que les femmes, « affirmaient au contraire que l’amour, l’amour vrai, le grand amour, ne pouvait tomber qu’une fois sur un mortel, qu’il était semblable à la foudre, cet amour, et qu’un cœur touché par lui demeurait ensuite tellement vidé, ravagé, incendié, qu’aucun autre sentiment puissant, même aucun rêve, n’y pouvait germer de nouveau. ». Invité à trancher la question, un médecin cite un amour « qui dura cinquante-cinq ans sans un jour de répit et qui ne se termina que par la mort ». C’était l’histoire d’une fille de rempailleurs de chaises qui, un jour, avait embrassé un gamin de son âge, qui pleurait. Elle en était tombée amoureuse, et cela n’avait fait que continuer. Lui, devenu le pharmacien du village, ne le savait pas. Le jour où elle avait su qu’il s’était marié, elle s’était jetée dans une mare, mais on l’avait repêchée, et le pharmacien lui avait dit quelques mots. « Cela suffit pour la guérir. Il lui avait parlé ! Elle était heureuse pour longtemps. » explique le médecin. A la fin de sa vie, elle s’était confiée à ce dernier, le chargeant de remettre ses petites économies en cadeau au pharmacien. Quand le médecin lui apprend que la rempailleuse était amoureuse de lui, le pharmacien réagit avec dégoût et mépris. Mais il se ravise un peu, quand il s’agit d’accepter l’argent.
Le médecin conclue : « Voilà le seul amour profond que j’aie rencontré dans ma vie. »

La deuxième nouvelle, je ne la connaissais pas : Regret. L’histoire d’un homme, M. Saval, un peu triste par une pluvieuse journée d’automne. A soixante-deux ans, il est seul, il n’avait jamais rien fait, ni jamais été aimé. « Sa vie était ratée, tout à fait ratée. Pourtant, il avait aimé, lui. Il avait aimé secrètement, douloureusement et nonchalamment, comme il faisait tout. Oui, il avait aimé sa vielle amie, Mme Sandres. […] Mais il l’avait rencontrée trop tard ; elle était déjà mariée. Comme il l’avait aimée pourtant, sans répit, depuis le premier jour. […] Si seulement elle avait deviné quelque chose… […] S’il avait parlé, qu’aurait-elle répondu ? […] Et Saval se demandait mille autres choses. Il revivait sa vie, cherchant à ressaisir une foule de détails. […] Et soudain le souvenir net lui revint d’un après-midi passé avec elle dans un petit bois le long de la rivière.» Et, en se remémorant les détails, lui vient alors l’idée qu’elle l’aurait peut-être aimé. « Etait-ce possible ? Ce soupçon qui venait de lui entrer dans l’âme le torturait ! Etait-ce possible qu’il n’eût pas vu, pas deviné ? »
Il décide alors d’en avoir le cœur net. Il va la voir chez elle, alors qu’elle prépare des confitures, lui dit qu’il l’aime depuis toujours, et lui demande si elle s’en était doutée. Elle répond en riant qu’elle s’en doutait depuis toujours, mais que lui n’avait rien demandé. Ca n’était pas à elle de faire une déclaration ! En évoquant le jour en question, il lui demande « Si j’avais été… entreprenant… qu’est-ce que vous auriez fait ? »
L’histoire se termine comme ça :
« Elle se mit à sourire en femme qui ne regrette rien, et elle répondit franchement, d’une voix claire où pointait une ironie :
« J’aurais cédé, mon ami. »
Puis elle tourna les talons et s’enfuit vers ses confitures.
Saval ressortit dans la rue, atterré comme après un désastre. Il filait à grand pas sous la pluie, droit devant lui, descendant vers la rivière, sans songer où il allait. […] il allait toujours, toujours devant lui. Et il se trouva sur la place où ils avaient déjeuné au jour lointain dont le souvenir lui torturait le cœur.
Alors il s’assit sous les arbres dénudés, et il pleura. »

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