Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal désenchanté
8 avril 2016

Nouveau départ

Non, ce blog n’est toujours pas mort, juste en sommeil. Le fait que je veuille le mettre à jour sans y parvenir vraiment est une constante depuis longtemps déjà, et les trous de plus en plus long dans la chronologie sont là pour en témoigner… Mais l’envie d’écrire (et pas que ce blog, d’ailleurs), demeure aussi, à l’état latent, depuis longtemps elle aussi, depuis le début même (relisez les tout premiers messages, j’en parlais déjà…), comme quelque chose qui a toujours été là, inscrit dans la chair et imbibant tout, même si elle ne se manifeste par rien de concret pendant de longues périodes. Mais ça ne demande qu’à se réveiller… Et tant que qu’il n’y aura pas de mot « fin » gravé dans le marbre, ce blog perdurera, malgré les blancs plus ou moins longs.  

 Je l’avais bien mis à jour, à vrai dire, il y a quelque temps déjà, mais j’ai depuis effacé ces messages. Je voulais orienter cela sur un ton plus dur, désabusé même, exposer crûment mes insatisfactions, mon sentiment de vie gâchée. C’était, à dire vrai, assez compréhensible compte tenu de l’état dans lequel j’étais : une difficile traversée du désert de laquelle je ne savais plus comment sortir, des années d’impasse qui resteront incontestablement comme la période la plus noire de ma vie. Mais parfois, la lumière au bout du tunnel semble apparaître d’une façon aussi soudaine que bienvenue, presque inespérée même, vous donner une deuxième chance et quasiment vous faire croire que vous pouvez tourner la page et oublier le passé, du moins mettre tout cela derrière vous. D’où la suppression de ces messages trop noirs, ruminations malsaines témoignant d’un état dans lequel je ne suis plus tellement, et que je veux aujourd’hui oublier et effacer, comme pour conjurer le mauvais sort.

 

Mon décrochage inexplicable à la suite de mes études m’avait mené dans une impasse totale, à la fois physique et morale, et la perspective de m’en sortir me semblait si floue que je ne faisais que reculer l’échéance pour ne pas l’affronter, engrenage infernal, jusqu’au moment où je dû me rendre à l’évidence qu’il devenait vital de me sortir de là au plus vite.

J’entrepris donc de me réorienter professionnellement, et la tâche ne fut, au début, pas facile. Quand vous ne savez pas ce que vous avez fait, pourquoi vous l’avez fait, quand vous traînez votre gâchis comme un boulet alourdi par la honte, les marges de manœuvre semblent faibles. Le seul moyen était de ne plus tergiverser, ne plus se perdre dans les fantasmes ou ruminer les illusions perdues, mais au contraire de se fixer un objectif guidé par deux principes : choisir la moins mauvaise solution, et ne plus laisser passer la moindre opportunité. Dans mon cas, il s’agissait de me relancer en trouvant une formation qui me permettrait, à la fois, de tirer parti de mon diplôme passé (je n’allais pas repartir de zéro), de ne pas perdre trop de temps (je n’allais pas y passer des années non plus), tout en me réorientant vers quelque chose qui correspondrait mieux à mes aspirations profondes. Et parfois, la solution semble paradoxalement se dessiner de façon aussi rapide qu’inattendue.

J’eu l’idée d’intégrer un mastère spécialisé dans la qualité, formation d’un an à la fois théorique et pratique avec six mois de cours et six mois de stage en entreprise. Il se trouvait justement que, à ce moment-là (nous étions en septembre 2015), se trouvait un salon à Paris consacré à ce type de formation.

Je me revois encore pénétrer dans le hall (c’était à la Cité internationale de Paris), déambuler prestement dans les allées pour tâter le terrain et me retrouver, là encore, confronté à ce sentiment paradoxal qui faisait combiner en moi deux émotions contradictoires : d’un côté l’envie de m’en sortir, la certitude que j’en avais toutes les capacités, et de l’autre, cette puissante sensation d’illégitimité, de découragement, qui me murmurait tel un mauvais génie que, de toute façon, tout était perdu d’avance. J’essayai de lutter contre cette sensation pendant quelque temps, tout en étant tenté de déguerpir au plus vite, et je me résolu finalement à tenter ma chance en postulant à deux formations, sans trop y croire. Une fois les dossiers envoyés, me restait l’épreuve la plus importante, celle de l’entretien. L’un se passa de façon cordiale mais ne déboucha sur rien. Quant à l’autre, il ne se déroula pas sous de très bons auspices : les deux responsables pédagogiques qui me reçurent me tancèrent vertement sur mon inactivité relative durant toutes ces années, me disant que je trouverais jamais d’entreprise qui m’accepterai, etc. Le ton n’était pas très professionnel, plutôt sur le mode « Mais merde, qu’est-ce que vous avez foutu !? ». De toute façon, je n’en attendais pas grand-chose, sachant très bien que mes chances étaient presque nulles. Le verdict tomba assez vite : « Liste d’attente », chose que j’interprétais comme un refus poli, on vous rappellera, circulez, y a rien à voir…

Les semaines passèrent, je reçu un e-mail me demandant si j’avais trouvé une entreprise d’accueil, message auquel je répondis par la négative. Pas de réponse. La rentrée passa. Deux semaines passèrent encore. Je n’y croyais déjà plus. On me contacte à nouveau : nouvel entretien, semblable au premier. La tonalité est la même, voire pire encore. Questions indiscrètes, comme si on voulait à tout prix faire ressortir ma bizarrerie, mon inadaptation sociale. A quoi rime tout cela ? Ce n’est même plus la honte qui m’habite mais quasiment la colère, je ne me laisse pas faire et, à un moment donné, je suis à deux doigts de me lever et de partir, de leur dire d’aller se faire voir, que la comédie a assez duré... Je me retiens. A la fin, subsiste malgré tout cette sensation étrange, comme suite au premier entretien, que malgré la déconfiture l'espoir est quand même là, que cette démolition en règle n'était pas une fin de non recevoir mais plutôt un coup de semonce pour me tirer de ma léthargie. Vain et fol espoir ?

Parfois, les miracles se produisent. Celui-ci arriva par e-mail.

« J’ai le plaisir de vous informer que vous êtes désormais ADMIS […] »

On ne sait tout d’abord pas trop quoi faire et, très vite, on n’hésite plus. Je téléphone. Papier à signer pour le lendemain, cours qui commencent deux jours plus tard. Pas le temps de tergiverser. Vous vous rappelez de ce que je disais plus haut ? « Ne plus laisser passer la moindre opportunité… » Voilà. J’y allais.

Je n’étais toutefois pas totalement tiré d’affaire. Restait à transformer l’essai, à savoir trouver une entreprise d’accueil, chose par forcément aisée compte-tenu du trou dans mon CV, que l’admission à la formation n’avait pas fait disparaître, et qui demeurait aussi qu’incompréhensible que rédhibitoire pour un recruteur, l’un entraînant mécaniquement l’autre.

Et, believe it or not, un deuxième miracle se produisit. Il se trouvait que parmi mes élèves de cours particuliers, se trouvait le fils d’un directeur associé d’une SSII. En discutant avec la mère, elle aussi salariée de l’entreprise, je fus invité à donner mon CV. J’acceptai sans trop y croire, une fois de plus. Et, une fois de plus… Téléphone, encore. J’y vais. Je rencontre la chargée du recrutement puis dans la foulée le père de l’élève. Je sens que la discussion n’est qu’une formalité, que le but va être de trouver un sujet de mission à faire correspondre au thème du mastère, qu’il n’y a pas de vrai besoin de ce que je vais faire (ce qui se vérifiera par la suite), mais l’occasion est trop belle pour que je puisse refuser. « Ne plus laisser passer la moindre opportunité… », une fois encore...
Je suis pris.

En retournant en cours, j’éprouvais une sensation étrange. Auparavant, j’avais honte de ma situation, peur de ne trouver aucun stage (ce contre quoi les deux profs m’avaient suffisamment mis en garde lors de l’entretien) et je craignais à tout moment que ma situation antérieure se découvre à cause de cela, ce qui me mettait en permanence dans un état de pression et de malaise. Une fois le stage décroché, je basculai dans l’excès inverse, j’avais presque honte d’avoir trouvé si vite et si facilement, et je ne voulais pas trop le crier sur les toits.

Je n’ai jamais cru en Dieu, au surnaturel ni à tous ces genres d’idioties, mais l’espace de quelque temps, j’eus presque la sensation de quelque chose de magique. Une seconde chance, donnée de façon si improbable, soudaine et bienvenue qu’elle défiait l’esprit cartésien et ne semblait pouvoir venir que d’une force surnaturelle. Après tout ce temps perdu, ces occasions manquées, je ne pouvais plus me permettre de de ne pas la saisir. Alors que j’avais jusqu’à présent détruit mon potentiel en ne me rendant pas compte de ce que j’avais, le fait d’être tombé si bas me faisait, par contraste, savourer comme jamais chaque seconde de ce nouveau départ.

Ça y était, j’étais relancé.

 

Vanishing Point still

Image : extrait de Point Limite Zéro (Vanishing Point) de Richard C. Sarafian, 1971

Publicité
Publicité
Commentaires
Journal désenchanté
Publicité
Archives
Publicité