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Journal désenchanté
2 mai 2007

Rien ne sera plus jamais comme avant.

Il y avait une fille dans ma classe, l’année dernière, quand j’ai redoublé la prépa, que je ne connaissais que très vaguement au départ. Je ne crois pas vraiment au coup de foudre immédiat, je pense que tout se passe progressivement. J’ai commencé à lui parler, parce qu’on prenait le bus ensemble, des fois. Au début, elle n’était rien pour moi. Mais j’ai ressenti assez rapidement qu’avec elle, j’avais envie de parler, d’une manière qui ne m’était jamais arrivée précédemment, moi qui n’ai pas de vrai amis. D’une certaine façon, je sens que je ne peux pas créer de lien très fort avec quelqu’un que, je suis trop différent, que ça ne m’intéresse pas. Et là, ça changeait : j’avais l’impression d’avoir là quelqu’un qui était un peu comme moi, et avec qui j’aurais pu me confier. Je ne sais même plus si c’est à cause de ça que je suis tombé amoureux d’elle progressivement, ou si c’est parce qu’au fond j’étais amoureux dès le départ inconsciemment que ça a fait ça.

Et elle, dans tout ça ? Oh, elle n’était pas amoureuse ; je ne lui avais rien dit, n’osant pas, espérant que les choses évoluent. Mais même si on pouvait juste être amis, ça aurait été déjà ça. On se parlait pas mal, sur MSN, et j’adorais. C’est même grâce à elle, que je me suis mis à utiliser le logiciel. J’aurais pu lui téléphoner, mais je n’osais pas. En cours, on ne se parlait finalement pas tant que ça.
Mais ce qui était bizarre, et que je n’ai jamais osé lui dire (sauf dans une lettre envoyée lundi dernier) c’est que, à certaines périodes, elle semblait me parler plus, et à d’autres moments, elle était distante, sans qu’il y ait jamais d’explication. C’était peut-être son caractère. Elle avait un caractère assez difficile parfois ; il fallait bien s’y faire. J’ai énormément réfléchi à ça, j’avais compris certaines choses, mais jamais pourquoi elle se comportait comme ça. Peut-être ne le savait-elle pas elle-même. Je ressentais que c’était bizarre. Se doutait-elle que j’étais amoureux ? Possible, surtout que d’autres gens s’en doutaient dans la classe. Mais en fait, je ne sais pas.
Elle me fascinait. On ne peut pas dire pourquoi on tombe amoureux de quelqu’un, on peut certes citer des raisons, mais il y a toujours quelque chose de totalement irrationnel. On ne tombe jamais amoureux d’une personne, mais de la représentation que l’on s’en fait.

A la fin de l’année, je pensais que mes chances de la revoir étaient faibles. Et là, après les écrits des concours, elle appelle, miracle ! Juste pour demander un bouquin, mais j’ai sauté sur l’occasion. Je lui ai dit qu’il fallait qu’on se revoie. Et, contre toute attente, elle a été d’accord. On s’est revu pendant l’été, on a été au ciné deux fois, on se prêtait des livres et des DVD. Pas forcément grand chose, mais pour moi c’était beaucoup. Je la voyais, et j’étais heureux. Elle m’appelait, venait souvent me parler sur MSN. C’est peut-être rien, mais ça montrait qu’elle voulait venir vers moi aussi d’une certaine façon. Au moins plus qu’à l’époque où elle changeait son statut MSN en « absent » dès que je me connectais, pour pas que je lui parle. Mais, même l’été, elle gardait quand même une certaine distance, comme toujours.

A la fin de l’été, il y avait l’anniversaire d’un de mes amis de prépa. On devait se revoir tous les deux un jour après, avant qu’elle ne déménage. C’est là que je voulais lui dire que je l’aimais. Le jour de l’anniv, elle m’annonce qu’elle partira plus tôt (ce qui, finalement, n’a pas eu lieu plus tôt) et qu’on ne se reverrait pas le jour suivant. Je ne pouvais pas tout lui avouer dans la voiture ; je lui ai demandé si on ne pouvait pas se voir rapidement le lendemain, mais c’était non. Se doutait-elle de quelque chose ?

Elle est partie, loin. J’ai bien sûr gardé contact : je lui envoyais des SMS, des lettres, je l’appelais au téléphone, mais ça venait toujours de moi. Je pensais que depuis l’été, on continuerait à maintenir un contact comme avant. Je croyais ça surtout parce que je le voulais, en fait. Les illusions, vous connaissez ? C’est parfois terrible. Je ne croyais pas que ça se délitait petit à petit. Elle répondait de moins en moins. Je lui disais que je voulais la revoir. Elle me disait qu’elle rentrerait probablement à telle date, mais jamais qu’elle voulait me revoir. Le jour où je l’ai revue, c’était aux vacances de Noël, lors d’une sortie en groupe au Futuroscope, et d’une soirée chez elle avec les mêmes gens. La réalité était que tout était redevenu comme avant : elle m’a à peine parlé, et de façon très froide. J’étais abasourdi par le choc ; je crois que je ne me suis jamais senti aussi mal. Perdu pour perdu, autant lui dire tout en face. Mais il fallait que je la voie seul à seule. Elle m’a dit que ce serait sans doute possible. Elle a dû repartir, ça ne le fut pas. Comme il fallait que je lui dise tout quand même, j’ai envoyé une lettre, juste pour expliquer à quel point je l’aimais. Je pensais que soit elle ne voudrait plus jamais me revoir, soit ça ferait rebondir, d’une certaine façon, les choses. Ni l’un ni l’autre. Elle n’a pas répondu pendant longtemps. Alors j’ai rappelé, comme si de rien n’était, et la première chose qu’elle m’a dite c’est : « Je vais te répondre. », comme si j’allais lui poser la question. Elle le fit un mois après, soi-disant parce qu’elle n’avait pas le temps (mais comment peut-on croire qu’en un mois on ne trouve pas ne serait-ce qu’une heure pour écrire une lettre ?), avec son ton comme celui au téléphone, qui se sent obligé de se justifier. Elle n’a pas répondu à grand-chose, et un peu à côté. Ne croyez pas que je lui en veuille parce qu’elle n’était pas amoureuse ; ça, je le savais déjà. Sa lettre était gentille et compatissante. Elle n’a jamais fait référence au fait que je lui disais que je l’aimais. Elle a juste écrit que j’étais un « ami exceptionnel » avec qui elle « partageait beaucoup ». Ca ne m’a fait ni chaud ni froid : quel sens cela avait-il ? Tout paraissait en contradiction avec ce que je voyais. Elle avait visiblement une conception des choses différente de la mienne et elle ne se posait sans doute pas toutes ces questions. J’ai voulu lui parler au téléphone, mais ça n’était jamais possible. Elle est revenue plusieurs fois, n’a pas cherché à me revoir ni à m’avertir. Bizarre pour quelqu’un qui se dit une amie. Je suis sûr qu’elle avait de très bonnes raisons, qu’elle n’avait pas le temps. Mais à force, même à ça, on finit par ne plus y croire. Alors j’ai envoyé une dernière ( ?) lettre lundi, pour lui dire ça. Je ne sais pas si elle répondra, si on se reverra. Je ne comprends toujours pas le sens de tout ça.

Mais quand même, quand je repense à tout… Je vais plutôt bien en ce moment, et mon humeur se ressent peut-être dans le ton de ce message. Et puis il y a le fait que j’ai envoyé la lettre. On se sent toujours bien après, et je me sentais bien aussi après avoir envoyé celle où je disais que j’étais amoureux. Mais ça n’a pas duré.

Comment expliquer ce qui est inexplicable, qui relève de la sensation pure ? C’est impossible. Si vous n’avez pas été dans ma situation, je pense que vous ne pouvez pas comprendre. Oh non, vous ne savez pas. Mais je l’ai aimé et je l’aime toujours plus que je n’ai jamais aimé et que je n’aimerais sans doute jamais quelqu’un. C’est bizarre quand même, de se dire ça. Mais c’est ce que je ressens, dans môn âme et dans ma chair. J’ai cherché des explications, il n’y en avait pas vraiment. J’en revenais toujours à la certitude que je l’aimais, et que j’aurais voulu tout partager avec elle. A force de penser à tout ça, à force que mon moral passe du désastreux au supportable, je ne savais plus rien, sauf ça. Même si je savais bien qu’elle avait un caractère peu commode et que la vie avec elle ne devait finalement être si simple, même si la plupart des gens auraient trouvé bizarre qu’on se mette dans cet état-là pour une fille comme ça. Je l’aimais, c’est tout. J’avais l’impression que c’était la seule personne dont je pouvais vraiment être amoureux, et aussi la seule vraie amie que je pouvais avoir. C’est vrai, c’est la seule fois où j’ai vraiment cru que c’était possible, mais ça n’explique pas tout. C’était la seule personne avec qui je sentais que j’aurais pu avoir un rapport fusionnel, absolu. Illusion, bien sûr : rien n’est absolu dans la vie. D’une certaine façon, on est toujours tout seul. Mais j’ai cru qu’avec elle, je ne le serais. Pas seulement au sens physique, mais au sens moral. Elle était comme une bouée de sauvetage, un point de repère.
Je ne l’ai pas vu et je ne lui ai presque pas parlé depuis longtemps. J’aurais peut-être dû l’oublier. Mais au contraire, ce que ressens est sans cesse plus clair, plus ancré. Bien qu’elle soit à des centaines de kilomètres, il est des jours où je pense sans cesse à elle. Et il m’est arrivé récemment de me réveiller le matin et qu’elle me vienne tout d’un coup à l’esprit, comme si cela m’avait travaillé toute la nuit. Et, dans la journée, tout d’un coup, de repenser à tout ça et d’être presque au bord des larmes.
Je ne pense pas que j’exagère. Car à travers ça, j’ai changé moi, aussi. Même par rapport aux autres, même dans mon regard sur la vie, le bonheur, les relations entre les gens. Elle a changé ma vie, involontairement, mais c'est difficile à expliquer. Différents facteurs se mêlaient.
Je ne sais pas si elle pourrait comprendre ce que je dis. Je pense que ça la gênerait plus qu’autre chose, surtout si elle ne m’aime pas. Je suis très conscient de ça. J’espère qu’elle ne prendra pas trop mal la lettre que je lui ai écrite. J’aurais dû y mettre que c’était sans doute de ma faute aussi, mais je crois que j’ai oublié. J’espère qu’elle ne croira pas que tout est fini. J’espère que d’une certaine façon, on pourra rester amis. Mais est-ce vraiment possible ? Elle disait qu’elle voulait qu’on reste amis, mais je pense que c’est à elle qu’il faut lui demander. Le comprendra-t-elle ? J’ai toujours eu tant de mal à la comprendre. Peut-être parce que je n’ai jamais autant voulu comprendre quelqu’un.
J’ai relu un bout de nos conversations MSN, et j’ai eu presque mal. Je repense sans cesse à ce dernier été, qui me parait désormais si loin, et si improbable aujourd’hui qu’il a pris dans mon esprit un caractère idéalisé, presque irréel. Au fond, en analysant les éléments rétrospectivement, il est clair qu’il n’y a, je pense, jamais eu l’ombre de ce que j’aurais souhaité. Mais j’y croyais, je ne sais pas pourquoi. J’y ai cru jusqu’au bout, et jusqu’au bout j’ai voulu croire que tout pouvait marcher.
Et j’ai souffert aussi. Ca influait gravement sur mon moral car je voyais tout à travers de ça. Instabilité émotionnelle extrême ! Plus rien n’avait de sens. La seule chose que je voulais dans ma vie, c’était être avec elle. C’était absurde. J’aurais dû m’y faire, mais non. J’avais l’impression de me retrouver dans cette citation du Voyage au bout de la nuit :  « J’avais de la peine, de la vraie, pour une fois. […] C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir. » Ca n’est certes pas optimiste. Mais c’est peut-être juste réaliste. C’est ce que je me dis quand je repense à tout ça. Finalement, je ne regrette presque rien. Je ne crois pas qu’il faille chercher un sens à toutes ces choses. C’est juste… comme ça.
Voilà, j’espère avoir bien résumé. Par rapport à tout ce que j’ai pensé de cette affaire, ces quelques lignes n’en font finalement pas beaucoup. Il faudrait que j’écrive tout en détail, comme un livre, ou quelque chose comme ça. Ca fait déjà longtemps que ça me travaille. Je vais peut-être bien finir par m’y mettre… Mais pas avant la rentrée prochaine, parce que là, j’ai pas mal de boulot. J’espère que je vais continuer à aller à peu près bien, parce qu’on ne peut pas vivre en étant désespéré tout le temps.
J’ai enfin expliqué le pourquoi du comment. Il y en avait bien des détails, au fil des pages de ce blog, et quelqu’un qui l’aurait lu depuis le début aurait peut-être vu de qui je voulais parler. Elle s’appelait Nina. J’aimerais encore beaucoup la revoir, ne serait-ce qu’une fois. Mais seulement si elle veut. La seule chose que j’attends d’elle, c’est qu’elle soit sincère. Si elle ne veut pas, tant pis, elle n’aura plus qu’à m’oublier. Mais j’espère qu’on se reverra. Quand j’y pense, c’est quand même vrai que c’est la seule personne qui aurait pu dire que j’étais un ami exceptionnel. Je ne sais pas si nous avons vraiment été amis, je l’espère. En tout cas, elle était plus proche de qui semble être un ami que n’importe qui d’autre que j’ai rencontré. J’ai toujours la petite fleur qu’elle avait dessinée sur le tableau au feutre dans la pièce de mon ordinateur. Et j’ai toujours les lettres. Et les cadeaux. Et les souvenirs. J’ai tout gardé.

En tout cas, cette « expérience », cette histoire bizarre d’amour fou non réciproque, qui n’était en fait rien mais qui pour moi était tout, m’a apporté bien des choses et, désormais, rien ne sera plus jamais comme avant.

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