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Journal désenchanté
17 novembre 2013

Un an et demi plus tard…

Coïncidence troublante, transition toute trouvée… Mon dernier billet, il y a un an et demi de cela, évoquait mes retrouvailles avec d'anciens amis de prépa, pour une soirée au cinéma. Des mots écrits frénétiquement, dans la foulée, qui tâchaient de rendre compte de mon état d'esprit du moment. Je n'avais alors mis en ligne qu'une première partie, gardant la suite pour plus tard – suite que je n'ai malheureusement pas écrite, l'envie étant passée, m'étant à nouveau laisser envahir par ce renoncement permanent englué dans le pessimisme. J'ai cependant – et malgré les interruptions plus ou moins longues – jamais laissé tomber complètement ce blog. Il est resté vide, certes, mais je savais qu'il repartirait un jour. Certaines activités sont parfois liées à des périodes de nos vies - on les abandonne parfois complètement sans savoir pourquoi – mais ce blog ne fait pas partie de cette catégorie, il reste au contraire un espace qui, même inactif, est en fait perpétuellement ouvert et, à ce titre, susceptible de repartir à tout moment si l'envie se présente, afin de recueillir ce que je sentirais avoir le besoin d'exprimer. Mon esprit reste en ébullition permanente, traversé sans cesse de tonnes d'idées, de ressentis, d'analyses, de projections, et ce blog, mince trace électronique ouverte à qui voudra bien le lire (ou pas !) ne pourra jamais prétendre être autre chose qu'un infime fragment de tout cela, passé à travers le filtre réducteur de l'écriture, de la pudeur, de ce qu'on juge utile d'être dit ou pas, et qui fait qu'il y a toujours une distance entre ce qui se lira à travers les lignes et mon ressenti profond.

Bref, laissons de côté ces digressions et revenons-en au but principal de ce billet. J'avais, il y a peu de temps de cela, de nouveau caressé le projet de reprendre ici l'écriture de ce blog. « Projet » n'est peut-être pas le mot le mieux choisi car ce n'est pas un projet que l'on fait de façon intellectuelle, plutôt un désir qui s'impose à nous. Les choix faits « parce qu'il faut les faire » et non faits par désir ne marchent pas, en tout cas pas dans mon cas. C'est même là un des grands drames de ma vie (ou pas, je n'ai peut-être finalement pas assez de recul pour juger.) Toujours est-il que, à la suite de cela (pas une relation de cause à effet, mais une coïncidence), je reçois à un message m'invitant à participer à un repas avec les anciens de la prépa, parmi lesquels certains avec qui j'avais justement été au cinéma l'année précédente. Etant a priori réticent, non à l'idée de les revoir mais à celle de devoir affronter les remarques sur ma situation atypique, je décidais néanmoins d'accepter, pas seulement par politesse mais parce que je trouvais important de maintenir les liens, et que cela me faisait plaisir de les revoir.
Et c'est ainsi que ce blog enchaîne directement, à plus d'un an et demi d'écart, d'une situation presque semblable, avec à peu près les mêmes gens.

Le repas avait lieu dans un restaurant de Belleville, faisant aussi office de salle de spectacle. Nous étions à une table à l'étage, dans le fond d'une mezzanine, de telle que nous ne pouvions voir la scène. En revanche, le son, assourdissant, était parfaitement audible, nous empêchant presque de nous entendre les uns les autres. J'étais en bout de table (nous étions sept). Cela faisait un certain nombre d'années que je n'avais pas vu certains d'entre eux, mais cela ne semblait finalement pas changer grand-chose. La discussion porta d'ailleurs, à un moment, sur le fait que nous n'avions pas changé physiquement, mais j'ai également trouvé qu'aucun d'entre eux n'avaient changé dans leur façon d'être. Peut-être ne change-t-on jamais vraiment, après tout. Quant à moi, j'avais le sentiment d'avoir beaucoup changé intérieurement, d'être passé par une meilleure compréhension de moi et de beaucoup de choses ces dernières années, mais extérieurement, je me rendais compte une fois de plus que je n'avais pas vraiment changé dans mon comportement, me trouvant toujours taiseux et introverti, en décalage permanent, comme hors du jeu.

Les appréhensions que  j'avais avant de venir tombent, au début, assez rapidement, car quand je dis, en arrivant devant le restaurant, que je n'ai pas fait grand-chose durant tout ce temps, que je me contente de donner des cours particuliers, je n'obtiens rien de désapprobateur. Les « small talk », petites discussions censées briser la glace que l'on dit en rencontrant quelqu'un (comme parler de la pluie et du beau temps) portent en elles une grande part de conventionnel et, comme par une sorte de bienséance, on ne se met pas à juger ce que dit l'autre. Ce n'est que plus tard, au cours de la conversation, alors que je pensais que mon cas n'avait pas grand-chose d'intéressant et que personne n'allait revenir dessus, que mon cas devient, un court moment, le sujet central, chacun y allant de sa suggestion et de sa remarque sur ce que je n'ai pas fait, pourrait ou devrait faire, etc. Le ton est finalement plutôt à l'encouragement qu'à la critique et je me doute que personne ne pense vraiment à mal, mais toujours est-il que je n'aime pas être regardé de la sorte, comme une sorte de bête curieuse, susceptible d'attirer la pitié ou les encouragements « pour mon bien » que les gens se sentent, en pareil cas, comme un peu forcés de dire. Je fais inconsciemment tout pour, il est vrai, mériter un tel traitement, mais à la différence d'autrefois, mon statut actuel est encore plus « explicitement » bizarre, absurde, incohérent alors qu'autrefois, j'étais tout aussi déphasé mais le fait que je poursuivisse des études permettait de le masquer : j'étais « dans le moule » bien que ce moule fut déjà totalement incongru.
Je ne sais pas vraiment quoi répondre à leurs sollicitations ; d'un côté je sais bien qu'ils veulent m'encourager ; de l'autre, je sais de toute façon déjà très bien tout cela, et je préférerai, à vrai dire, ne pas être le sujet de ces remarques. Quoi qu'il en soit, mon manque de motivation est perceptible et je n'arrive même pas vraiment à le masquer (sans doute n'en ai-je, en fait, ni l'envie ni la force – à quoi bon au point où j'en suis…). Ce que je masque très bien en tout cas, mais de façon hélas totalement involontaire, c'est que je suis vraiment intérieurement, ce que je connais sur tout un tas de sujets, ma façon de voir le monde et la vie. Il est vrai que je n'ai pas l'occasion de parler de grand-chose, et rien dans les discussions de ce soir n'ont trait de près ou de loin avec l'actualité mais même au-delà de cela, c'est toute ma façon d'être, mon décalage permanent entre la façon dont on me perçoit et mon ressenti intérieur, qui se manifeste à nouveau. (Je reviendrais plus en détail là-dessus au cours d'un prochain billet.)
En venant ce soir-là, j'ai une fois de plus réussi à surmonter mon appréhension qui m'avait paralysé ces dernières années et m'avait contraint à ne plus donner de nouvelles, craignant de devoir supporter les remarques étonnées de mes camarades. Mais la chose que je retiendrais surtout c'est que l'appréhension est finalement toujours plus forte que la réalité : il m'était beaucoup plus difficile de m'imaginer ce à quoi j'allais devoir répondre que de l'affronter en face.
A la fin de la soirée, J. qui a organisé le repas, me dit que c'était gentil d'être venu et là encore, je ne sais pas quoi dire et je ne dis rien. J'aurais sûrement dû dire aussi que ça me faisait plaisir d'avoir revu tout le monde mais voilà, je suis le plus souvent si vide, si transparent que j'imagine mal les gens s'intéresser d'une quelconque façon à moi et je ne sais jamais comment prendre les rares marques d'attention que l'on veut bien me témoigner. Je ne sais pas trop, finalement, ce que tout le monde a pensé de moi ce soir-là. S'ils me connaissent bien, ma situation n'a pas dû les étonner tant que cela car j'ai toujours eu l'air de sortir de nulle part, de ne m'intéresser à rien, de détonner dans le paysage.

J'espère bien qu'on se reverra un jour ou l'autre mais je ne sais pas ce qu'il en sera, peut-être ai-je rompu les liens trop longtemps, peut-être n'avait-il jamais eu de vrai lien, peut-être que finalement, c'est en fait la même chose pour tout le monde. A un moment de la soirée fut évoquée ce qu'étaient devenus les uns et les autres et cela se résumait à quelques informations çà et là, untel qui avait vaguement des nouvelles de tel ou tel, qui l'avait rencontré ici ou là. Les routes ont plus ou moins divergé pour chacun de nous, et les retrouvailles éphémères n'ont peut-être pour seul but de faire ressurgir des émotions et souvenirs du passé.

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